mardi 2 décembre 2008

L'Education Nationale se replie sur des missions de plus en plus étroites.
Dernier exemple : des mesures budgétaires diminuant très fortement les aides de l’Etat aux associations complémentaires de l'école publique vont asphyxier la vie associative qui se développe à la périphérie de l'enseignement public et qui est une richesse pour notre système éducatif.

C'est une décision qui va à l’encontre de l’intérêt de tous les enfants qui bénéficient de l'intervention des associations, en particulier les plus défavorisés, ceux qui pour qui l'accès aux activités socio-culturelles est difficile.
Pour les parents et les enseignants, ce sont des lieux de rencontres et des occasions de collaboration qui vont disparaître. L'école publique va se refermer sur ses missions « fondamentales » et s'éloigner un peu plus de la population.

Par leur attachement aux valeurs républicaines, les organisations complémentaires de l'école publique diffusent les principes laïques qui favorisent le vivre ensemble, et travaillent à l’égalité des chances entre les enfants et entre tous les citoyens. Cela devrait suffire pour que l'aide que leur apporte le Ministère de l'Education Nationale leur soit intégralement rétablie.

mardi 26 août 2008

La « masterisation » des enseignants

Le délicat problème de la formation des Maîtres va-t-il trouver sa solution avec sa disparition ?
Dès la rentrée 2010 les enseignants du premier et du second degré seront recrutés à l'issue d'un master. Ce recrutement non plus avec une licence mais avec un master permettra un alignement sur les principaux pays européens (qui ne connaissent ni concours, ni fonction publique enseignante) et une revalorisation du début de carrière.
En l'état actuel du projet (selon la présentation présidentielle et ministérielle), c'est au milieu de la cinquième année d'étude, à la fin du premier semestre de master-2, en janvier ou février, que les étudiants intéressés par les métiers de l'enseignement passeront les épreuves d'un concours allégé, sans dimension professionnelle, dont la réussite sera validée avec l'obtention en juin du master.
Les heureux lauréats, qui pourront être issus de n'importe quel master seront alors affectés en septembre, sans plus de précautions, dans un établissement où ils assureront, en responsabilité, le service d'enseignement correspondant à leur statut !
Pour faire face à cette mission dont chacun connaît aujourd'hui la difficulté, ils bénéficieront des conseils d'un enseignant référent qui les accompagnera dans l'entrée dans un métier que la plupart vont découvrir ... En effet, aucune obligation de formation, théorique ou pratique, n'est évoquée dans le projet ministériel, même si la possibilité de suivre un stage devrait être offerte à ceux qui le souhaiteraient. Ils devront simplement justifier de cinq années d'études supérieures réussies avant d'entrer dans la carrière de professeur des lycées et collèges ou des écoles, ce qui devrait modifier sensiblement leur origine sociale.
Si la masterisation des enseignants est une bonne chose, le choix qui est fait de passer par cinq années de formation universitaire académique, sans élément obligatoire de formation professionnelle préalable, est lui discutable et préoccupant pour l'avenir de l'École républicaine.

mardi 10 juin 2008

Vers un lycée au service des meilleurs ...

Parmi les dernières propositions du Président de la République concernant l'éducation, deux concernent le recrutement et la formation des enseignants de lycée : la suppression programmée des IUFM et l'embauche des futurs enseignants au niveau bac +5 ...

Déjà aujourd'hui, avec un recrutement au niveau de la licence, on constate, un écart sociologique et culturel important, parfois un véritable fossé, entre les diplômés de l'université devenus enseignants, et leurs élèves, des écoles collèges et lycées. Demain, de quel milieu viendront ces enseignants dont la famille aura pu financer des études aussi longues ?

Et s'ils n'ont plus de formation professionnelle, où apprendront-ils à passer des acquis théoriques universitaires aux savoirs à transmettre aux élèves ? Comment se formeront-ils au travail en équipe ? Où sera abordée la question de l'interdisciplinarité ? Et quelle Université leur délivrera un master de « citoyenneté » ?

Ces propositions témoignent d'une vision superficielle de l'enseignement, d'une méconnaissance des défis, en particulier de la diversité des élèves. Elles assurent la suprématie de l'individualisme. Elles visent la réussite des meilleurs en négligeant les élèves les moins performants.

mercredi 23 avril 2008

Questions autour des manifestations de lycéens

Lycéens, parents et personnels se mobilisent contre les choix gouvernementaux d'une politique éducative qu'ils estiment régressive.
Mais ce sont les manifestations de lycéens qui ont la plus grande visibilité médiatique.Certains s'en réjouissent, trouvant positif que les élèves s'inquiètent pour leur avenir, qu'ils réclament un meilleur encadrement éducatif. D'autres s'inquiètent devant un mouvement qu'ils jugent plus ou moins télécommandé, suscité par quelques groupes très politisés.
Alors : la mobilisation des lycéens est-elle un mouvement authentique ou une opération artificielle, une protestation justifiée ou un prétexte à agitation ?
Et puis revient la question de la neutralité de l'espace scolaire, tel que définit par la laïcité de l'institution ... Du côté des élèves, la « mobilisation », la « prise de parole », sont-elles des moments d’affrontements idéologiques compatibles avec la laïcité ? Et du côté des enseignants, le soutien à une revendication sociale, respecte-t-il la neutralité de l'école ?

lundi 24 mars 2008

Nouveaux programme : le simplisme a frappé

Il y a une belle pétition de principe de la part du Ministre : « permettre à chaque enfant de devenir, par l'instruction, un citoyen libre et éclairé ».

Mais le projet propose de multiples renoncements et de nombreux retours en arrière. Le plus symbolique est le renoncement à deux éléments forts, l'organisation en cycles et le socle commun de connaissances et de compétences, qui ne sont signalés que de manière secondaire, comme à contre-coeur.
Les « cycles » ont introduit de la souplesse dans les apprentissages ... on reparle des « divisions » avec leur rythme annuel et leur terminologie héritée du XIXè siècle. Certes, les parents s'y reconnaîtrons mieux, mais on risque fort de perdre les acquis dynamiques de l'organisation pluri-annuelle du travail.
Être compris des parents semble la principale préoccupation, d'où le retour aux mots, aux références, au vocabulaire qui était utilisés jusqu'aux années 60 : le cas de l'enseignement de la langue est frappant, avec le retour à la grammaire de Port-Royal. Soyons rassurés : pour les plus jeunes, cela « porte presque exclusivement sur la phrase simple : la phrase complexe n’est abordée qu’en CM2 ».
Côté formation du citoyen, on ne parle plus d'éducation mais d'instruction. Les enfants devraient acquérir à 8 ans « une première compréhension des symboles de la République » : la Marseillaise (on se lève pour elle), le drapeau tricolore, le buste de Marianne, ou la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”. Gageons que tout cela sera très formel !
Pour 11 ans, ils auront appris le respect mutuel et celui des règles collectives ; ils auront aussi appris les principes de l’égalité des filles et des garçons, de la dignité de la personne. Pas mal ... un peu d'éducation aux Droits de l'Homme serait encore mieux : connaître les Déclarations de 1789 et de 1948 serait mieux que le simple respect du drapeau tricolore !
Tout cela fleure bon la nostalgie, les années 50, le retour à des contenus et à des pratiques qui pouvaient être adaptés à leur époque, mais qui ne peuvent répondre aux besoins des enfants du XXIè siècle. Malgré les bonnes intentions et quelques points positifs, on a le sentiments que les rédacteurs confondent « primaire » et « mécanique », « élémentaire » et « utilitaire ».

jeudi 21 février 2008

Rapport pochard : ça manque de diagnostic !

Un blocage existe entre pouvoirs publics et enseignants comme il en existe plus globalement entre pouvoirs publics et fonction publique. Ainsi la sortie d'Allègre sur le mammouth fut psychologiquement désastreuse et collectivement contreproductive. Pour une part non négligeable, ce blocage trouve son origine dans le fait que l'Etat a été, est et demeure un mauvais employeur.

Ou bien il réclame "peu" sachant qu'il donne "peu", position dominante observée par le passé. Ou bien il réclame "plus" sans pour autant donner "plus" (les caisses sont vides !), posture souvent observée dans le passé et tout récemment. Quelques variantes : réclamer "plus" en donnant "mieux", ou réclamer "mieux" en donnant "mieux", à moins que ce ne soit l'inverse !

Le rapport Pochard eût été avisé de poser un certain nombre de prémisses. Il revêt un caractère technique, mais la technique prime l'idée, alors qu'elle ne doit être qu'au service de cette dernière. Trop timide ou orienté, le rapport pêche par manque de diagnostic et donc de hauteur.


Quelques idées absentes ou insuffisamment posées.
  1. Comment réhabiliter la fonction enseignante en France ? Comment lever le blocage ? Ce n'est pas en éludant les questions (mêmes gênantes) que l'on progresse dans l'analyse et la proposition.
  2. De quel enseignant la collectivité a-t-elle besoin ? Le rapport Pochard évacue trop rapidement une question stratégique : l'amalgame ENSEIGNEMENT-EDUCATION. Le métier doit-il cumuler les deux fonctions ? La fonction "éducation" ne doit-elle pas seulement découler de manière naturelle de la fonction enseignante.


lundi 18 février 2008

Enseigner la Shoah ou préserver la mémoire

L'idée de Nicolas Sarkozy de faire assurer par les enfants des écoles élémentaires la mémoire des enfants juifs victimes de la Shoah pose un vrai problème sur la fonction de l'École ...

Qu'elle participe à la vie de la République en participant à la diffusion de valeurs est une chose, une bonne chose. Qu'elle s'éloigne de ce qui fait la spécificité d'un enseignement républicain est autre chose.

En l'occurrence, l'éducation apportée par l'école publique a pour mission d'apprendre aux enfants à dépasser les perceptions immédiates et les émotions en s'appuyant sur la raison. Et quand elle s'occupe de sensibilité –dans l'enseignement artistique et littéraire pas exemple– c'est pour apprendre à distinguer sensibilité et sentimentalisme.

En ce qui concerne la connaissance du passé, le rôle de l'éducation républicaine c'est d'amener l'élève à éviter la confusion entre la mémoire et l'histoire. C'est une tâche délicate qu'un historien maîtrise, mais que les enseignants qui ne sont pas tous historiens, ne peuvent assurer qu'au prix de grandes précautions, surtout lorsqu'ils abordent l'histoire récente.

C'est pourquoi la demande de Nicolas Sarkozy ne peut qu'introduire de la confusion dans la mission des enseignants et dans celle de l'Éducation nationale.