lundi 24 mars 2008

Nouveaux programme : le simplisme a frappé

Il y a une belle pétition de principe de la part du Ministre : « permettre à chaque enfant de devenir, par l'instruction, un citoyen libre et éclairé ».

Mais le projet propose de multiples renoncements et de nombreux retours en arrière. Le plus symbolique est le renoncement à deux éléments forts, l'organisation en cycles et le socle commun de connaissances et de compétences, qui ne sont signalés que de manière secondaire, comme à contre-coeur.
Les « cycles » ont introduit de la souplesse dans les apprentissages ... on reparle des « divisions » avec leur rythme annuel et leur terminologie héritée du XIXè siècle. Certes, les parents s'y reconnaîtrons mieux, mais on risque fort de perdre les acquis dynamiques de l'organisation pluri-annuelle du travail.
Être compris des parents semble la principale préoccupation, d'où le retour aux mots, aux références, au vocabulaire qui était utilisés jusqu'aux années 60 : le cas de l'enseignement de la langue est frappant, avec le retour à la grammaire de Port-Royal. Soyons rassurés : pour les plus jeunes, cela « porte presque exclusivement sur la phrase simple : la phrase complexe n’est abordée qu’en CM2 ».
Côté formation du citoyen, on ne parle plus d'éducation mais d'instruction. Les enfants devraient acquérir à 8 ans « une première compréhension des symboles de la République » : la Marseillaise (on se lève pour elle), le drapeau tricolore, le buste de Marianne, ou la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”. Gageons que tout cela sera très formel !
Pour 11 ans, ils auront appris le respect mutuel et celui des règles collectives ; ils auront aussi appris les principes de l’égalité des filles et des garçons, de la dignité de la personne. Pas mal ... un peu d'éducation aux Droits de l'Homme serait encore mieux : connaître les Déclarations de 1789 et de 1948 serait mieux que le simple respect du drapeau tricolore !
Tout cela fleure bon la nostalgie, les années 50, le retour à des contenus et à des pratiques qui pouvaient être adaptés à leur époque, mais qui ne peuvent répondre aux besoins des enfants du XXIè siècle. Malgré les bonnes intentions et quelques points positifs, on a le sentiments que les rédacteurs confondent « primaire » et « mécanique », « élémentaire » et « utilitaire ».

7 commentaires:

reivaxe a dit…

Ce qui me frappe le plus dans ces nouveaux programmes du primaire est, comme vous l'indiquez, ce retour aux années 50. Doit-on y voir uniquement un conservatisme teinté d'une certaine nostalgie ?

Ou y-a-t-il dans cette "programmation" de nos futurs citoyens des visées plus sournoises ?

Rappelez-vous les années 50 : cet enseignement si sélectif qu'il n'envoyait dans les études supérieures qu'une infime minorité d'enfants issus des milieux ouvriers, grâce aux bourses, après réussite du certif...

Il y a eu depuis le Collège Unique et la volonté (plus ou moins réussie) de donner sa chance à tous. Il y a eu cette volonté d'apporter la culture à ceux qui n'y avaient jamais accès, et de former ainsi des futurs citoyens éclairés, dotés d'un sens critique. Le mot même de plaisir (d'apprendre) a été employé...

Après ses attaques du collège unique, voici maintenant qu'une partie de nos "penseurs" s'en prend à notre école primaire, parée de tous les mots.

Est-ce-réellement un hasard ?
Quelle part ces programmes font-ils à la culture, cet élément si déterminant dans l'égalité des chances ?

J'espère de tout mon coeur que la formation du futur citoyen (qui ne peut se résumer à la connaissance de la Marseillaise)est toujours la visée primordiale de nos "sages".

A lire ces programmes, j'ai un doute, un gros doute...
A voir ces coupes sombres dans les rangs de nos enseignants, ce doute fait plus que se confirmer.

Ceux qui prétendent que le salut vient du passé nous préparent un avenir sans horizon, où les valeurs les plus élementaires de notre république risquent d'être bafouées.

Anonyme a dit…

Je ne suis pas un fan de F Fillon, mais il faut bien reconnaitre que sa loi d'orientation sur l'école comportait un élément fondamental et positif : l'idée du socle commun.

Dire enfin clairement ce que l'école demande aux élèves et poser comme principe que tous doivent y arriver est un véritable outil de démocratie. C'est un véritable changement de perspective car avec le socle, ce n'est plus le chemin qui est l'objectif (=le programme) mais le point d'arrivée (=les connaissances du socle). De la sorte, on évite aux élèves qui ne s'adapte pas au chemin d'être éjectés et on leur assure d'arriver au même endroit que les autres, même s'ils prennent une autre route.

Frat...

Bertgim a dit…

Travailler plus pour … apprendre plus ?

Le seul moyen que le ministre de l'éducation a trouvé pour enrayer l'échec scolaire, c'est de faire travailler plus les élèves en proposant des "stages de remise à niveau" pendant les vacances. Est-ce vraiment une remédiation pédagogique digne d'une politique éducative raisonnée ?

On peut sérieusement en douter et classer cette nouvelle mesure avec les quelques autres décisions idéologiques qui, au même titre que les "nouveaux programmes", transforment l'école en outil de propagande à grande échelle. Non pas que cela soit nouveau. Depuis le XVIIe siècle, des collèges jésuites en passant par l'école de Jules Ferry, l'institution scolaire a toujours constitué un enjeu pour la promotion de valeurs sociales, éclairées ou non.

Mais justement, à lire les récentes décisions ministérielles, on a le sentiment que le système de valeurs âprement défendu pour l'école par quelques républicains encore pétris d'universalisme est en train d'être sérieusement sapé.

Alors je ne sais pas de quoi il faut le plus s'inquiéter. Du simplisme ambiant aux relents de poujadisme (années 50 !) qui veut faire croire que le rabâchage, la répétition, constitue un idéal d'apprentissage (le "bon sens" poujadiste n'a que faire du développement de l'esprit critique, trop incontrôlable!), ou bien de cette dérive idéologique qui insensiblement, sans en avoir l'air, introduit dans notre école des "bilans de compétences", des "performances" et autres "évaluations" quand ce n'est pas encore de la "qualité", bref de la gestion plutôt que du savoir.

A l'école comme ailleurs, nos valeurs ne sont décidemment pas les leurs ...

j-m a dit…

"retour dans le passé","poujadisme"...je trouve ces termes un peu forts,je suis enseignant dans un collège de banlieue et je peux vous dire que le collège unique,tout comme le pédagogisme,son jargon,ses methodes et sa démagogie (mettre l'élève "au centre du système) ont conduit a un abandon pur et simple de toute transmission du savoir,instaurant une inégalité bien peu républicaine(puisque l'école ne transmet plus rien,c'est à la famille de suppléer,ainsi,les enfants issus de familles privilégiées s'en sortent,les autres non!)ainsi qu'un désastre intellectuel(les élèves ne sont plus habitués à la moindre exigence,sauf dans les établissements des beaux quartiers parisiens bien sur!) Cette école des annees 50 qui fait horreur à certains donnait une chance de réussir à tous les élèves,riches et pauvres : il n'est que de regarder le pourcentage de fils d'ouvriers accédant à de hautes études,il est en baisse constante depuis 50 ans!
Le débat sur l'éducation doit etre dépolitisé,ce n'est pas parcequ'une mesure vient de la droite qu'elle est mauvaise.Quand à la grammaire "de port royal",elle est bien plus claire et accessible que le jargon"l'observation raisonnée de la langue" auquel personne (enseignants et élèves) ne comprend rien! Il est toujours surprenant de constater que les expérimentations "géniales" des pédagogistes ne sont mises en oeuvre qu'en banlieue alors que les établissements favorisés se contentent de méthodes classiques (certains diront "réactionnaires"):on se demande pourquoi!

Anonyme a dit…

Jean-Marie a dit :

"Cette école des annees 50 qui fait horreur à certains donnait une chance de réussir à tous les élèves,riches et pauvres : il n'est que de regarder le pourcentage de fils d'ouvriers accédant à de hautes études,il est en baisse constante depuis 50 ans!"

Ceci n'est pas vrai ! Absolument pas vrai !

Le diplôme visé par les gamins des milieux défavorisés était le certificat d'études. Dans le meilleur des cas, avec de très bons résultats, ils obtenaient une bourse qui leur permettait d'accéder aux 'petites classes" des lycées, et même pour certains, après la 3ème, de préparer le concours d'accès à l'école normale d'instituteurs... une sacrée promotion !

Les gamins des milieux favorisés avaient directement accès à ces petites classes des lycées et poursuivaient ainsi jusqu'au bac dans ce même lycée. Voie royale.

Le pourcentage d'élèves arrivant jusqu'aux études supérieures était très faible, et nous prenions du retard dans la course à la modernité, faute d'un nombre suffisant de chercheurs et de scientifiques. Ce déficit décida nos dirigeants (de Gaulle)à augmenter le recrutement et à créer le collège unique accueillant TOUS les élèves d'une même classe d'âge.

Alors oui, le passé était plus "idéal", pour les enfants des élites, parfaitement formatés pour l'univers scolaire et l'enseignement donné. (Cf les héritiers, de Bourdieu.)

Véritable éden d'ailleurs aussi pour nombre de professeurs qui ont connu cette époque.

Bien sûr le Collège Unique n'a pas résolu tous les problèmes, et la proportion de nos "Héritiers" est toujours importante.

Mais dire que le nombre de fils d'ouvriers qui arrivait au bac est en baisse depuis 50 ans relève soit d'une méconnaissance totale de l'Institution scolaire, soit, plus grave, d'une tentative de désinformation.

asterix33 a dit…

L'éducation civique renforcée est une bonne chose si elle est complétée par des cours de sciences humaines dès la quatrième ( histoire sociologique et philo-psycho ).
Enfin, ce qui manque toujours, et c'est le souhait principal des élèves : des conseils d'orientation annuel pour tous.

Unknown a dit…

Je n'arrive pas à oublier le taux d'échec en lecture, à l'issue de l'école primaire.
Peut-on attendre d'élèves qui ont du mal à lire un esprit libre, éclairé qui permette la critique raisonnée?
Je ne le crois pas.
Aussi considéré-je que c'est un bien que de revenir aux fondamentaux: lire, écrire et compter. Il est simplement regrettable que l'on ne parle que très peu de la compréhension de la langue et du vocabulaire dont la faiblesse actuelle fait le lit de l'échec scolaire...
Lorsque l'école sortira des élèves qui comprennent ce qu'ils lisent, elle aura réussi sa mission.
De grâce, ne mélangeons pas idéologie, choix politiques, et nécessités du terrain.
Un frère enseignant