En présentant la création des lycées en 1802 comme un acte signifiant « la fin des privilèges de naissance » le Président de la République ne signale qu'une partie de la réalité historique. Rappelons le contexte et quelques autres éléments non moins significatifs.
La loi du 11 floréal an X clôt le débat ouvert en 1789 pour trouver le meilleur moyen d'assurer l'instruction des futurs citoyens et l'éducation de la Nation, selon le vocabulaire de l'époque. Bonaparte règle ce débat en laissant de côté l'éducation de tous et en décrétant que le rôle de la Nation est de former les cadres de la Nation, et bientôt de l'Empire.
L'idée ne sera pas fondamentalement mise en cause par la Restauration, ni par les régimes suivants, puisque l'enseignement primaire qui se constitue sous la Monarchie de juillet va se développer (et avec quel succès après Jules Ferry) complètement à part de l'enseignement secondaire. Il faut attendre le Front populaire pour que les timides rapprochements réalisés sur le terrain évoluent vers « l'école unique » réclamée depuis plusieurs années. Mais les traces concrètes de la triple filière (enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement technique) subsistent jusqu'aux débuts de la V° République et peuvent expliquer la résistance de l'institution à devenir un lycée pour tous !
Si le Lycée d'aujourd'hui peut s'enorgueillir d'intentions démocratiques qui l'ont fait naitre, il lui reste aussi des traces des objectifs élitaires du lycée de Napoléon. Dire que le Lycée en est prisonnier serait lui faire un mauvais procès, mais lui donner uniquement les qualités -démocratisation- de ces mêmes intentions est également illusoire.
En fait, le lycée d'aujourd'hui est tiraillé entre plusieurs tentations : espace de diffusion au plus grand nombre de la culture classique, marchepied pour accéder aux grandes écoles, lieu de diffusion d'un enseignement « secondaire » (mais cette notion n'est guère comprise que par les professionnels de l'éducation), lieu de bachotage (c'est-à-dire d'entrainement systématique au passage du baccalauréat), voie de garage pour achever son adolescence, ... Ces ambivalences sont sources d'incompréhensions permanentes chez les lycéens.
Plus préoccupant : le lycée étant le passage nécessaire à l'obtention du diplôme-phare, le bac, il devient le modèle et/ou l'objectif de tous les niveaux d'enseignement : collège, école élémentaire, voire école maternelle et enseignement supérieur, ce qui est une manière de nier la spécificité de chacun de ces moments de la scolarité, et qui en perturbe la compréhension dans le public. Les réformes peuvent apporter des solutions techniques pour sortir de cette situation,surtout s'il s'agit de réformes de fond et non de retouches marginales. Mais seul un vrai débat public, permettra de trouver un accord sur la fonction du Lycée dans la République.
jeudi 22 octobre 2009
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1 commentaire:
La notion de débat public est toujours intéressante mais il ne peut rien sortir d'un débat public. L'école est trop complexe pour que de simples citoyens puissent y voir clair et puissent bien souvent percevoir les enjeux de pouvoirs à travers l'histoire de l'école depuis disons au moins les années 70.
Evoquer un débat public c'est faire semblant d'avoir une attitude républicaine. Or nous savons tous que le véritable choix, les véritables prises de décision, nécessitent la connaissance du sujet.
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