vendredi 11 décembre 2009

L'étrange agitation médiatique autour de l'Histoire

Qui a relevé que les futurs bacheliers de la série L n'auraient plus aucun enseignement de sciences ni de mathématiques en terminale ? Qui s'est inquiété de cet éloignement de la rationalité scientifique à laquelle la réforme du lycée condamne les élèves qui auront suivi cette filière ? Personne.
L'agitation médiatique s'est concentrée autour de l'enseignement de l'histoire dans la série S, ce qui ne peut manquer de mettre mal à l'aise ceux qui adoptent un point de vue républicain sur le fonctionnement du lycée. Car cette manière de voler au secours du bac S, c'est-à-dire de la classe d'élite du lycée, est bien étrange, suspecte même.
Défendre l'enseignement de l'histoire passerait par d'autres exigences. Par exemple celle d'introduire un enseignement historique dans les filières technologiques qui en sont totalement privées. Ou encore celle d'intégrer systématiquement l'histoire des sciences et des techniques dans les formations supérieures des scientifiques et des techniciens.
Le déclenchement de cette agitation est le fait de ce qu'il faut bien appeler la corporation des historiens, une corporation qui ne comporte pas que des enseignants, mais aussi des journalistes, des écrivains, des hommes politiques. Elle dispose donc de relais très efficaces, et prompts à se mobiliser, comme on a pu le constater.
Depuis le XIX° siècle, la corporation a réussi à convaincre de l'absolue nécessité de l'enseignement de la discipline. Ainsi l'histoire a-t-elle été intégrée à la culture générale, ce qui est hautement positif. De là à dire que l'histoire est indispensable pour comprendre le monde, il y a un pas qui est un peu trop vite franchi. D'autres sciences sociales sont largement aussi importantes, mais elle ne bénéficient pas de la même même sollicitude. C'est bien dommage : l'économie, la géographie, la sociologie, elles aussi, sont indispensables et mériteraient largement de faire partie de la culture de l'honnête du XXI° siècle.
Enfin : on peut se demander ce qui menace le plus l'enseignement de l'histoire : l'horaire facultatif en terminale S ou le projet de limiter la formation de ceux qui devront l'enseigner à un vague compagnonnage auprès de leurs collègues. Car enfin, il faudra expliquer en quoi la connaissance approfondie d'un aspect de l'Histoire sanctionnée par un mastère, est une garantie pour la transmission du savoir historique et un entrainement à la pratique de cette transmission.

3 commentaires:

jacques a dit…

Cette réforme n'échape pas à la logique comptable.
Sur le fond de la réforme de l'école, une diminution d'heures
tente à la recherche de l'équilibre
vis à vis des 50 000 postes supprimés (sur 3 à 4 ans)

N'oublions pas que l'école est le moyen de la république pour élever les consciences mais cette école est au ordres du pouvoirpolitique. La méthode consiste à se rapprocher du modèle de l'entreprise qui préfère servir les intérêts de ceux qui offrent l'emploi plutôt que l'intérêt de la personne humaine.

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'ils prêchent pour leur chapelle, ces historiens professionnels ou amateurs. Ils n'ont pas tord de dire que l'Histoire c'est important ; mais un peu de culture économique ou juridique ça serait pas mal non plus !
Cela ne nous éviterait pas les crises économiques, ni le libéralisme débridé, mais la culture historique ne nous garantit pas non contre le vote FN.

Anonyme a dit…

Plus qu'étrange et suspecte ...
Elle témoigne de cette volonté maintes fois exprimée depuis maintenant plus de 30 ans de voir persister au nom du plus qu'ambigu élitisme républicain, de voir maintenu un sytème scolaire fait pour trier les meilleurs (et quel meilleurs!). C'est le même front hétéroclite, recrutant à gauche et à droite, qui n'a jamais permis de mettre en oeuvre le collège pour tous, qui a forcé au départ Alain Savary, qui a n'a jamais admis la loi d'orientation de 1989 sauf les avantages de la révalorisation, bref un front qui refuse la démocratisation de l'Ecole républicaine. Ce front là est l'allié , même involontaire pour certains, de la mise en marché de l'Ecole.
Il est temps que tous ceux qui pensent et veulent l'inverse s'organisent pour faire prévaloir une autre politique scolaire et refuse de se faire enfermer dans les anathèmes sur le refus d'exigence culturelle, le smic culturel, alors que les enjeux démocratiques de l'Ecole méritent d'être posés autrement.
Voir à ce sujet les récentes positions de la Ligue de l'Enseignement : www.laligue.org

Eric FAVEY secrétaire général adjoint de la Ligue de l'Enseignement